Le mythique Lapin Agile, doyen des cabarets de Montmartre, fait revivre chaque soir le Patrimoine de la Chanson et des Histoires à la Française. Pas de laser, pas d'micro, pas d'sono ! La musique et les voix au naturel. Le public participe à l'ambiance et retrouve l'atmosphère des veillées d'autrefois où chacun écoute l'autre et partage avec lui son plaisir.
Le Lapin Agile se hisse aujourd’hui au niveau des noms les plus prestigieux de notre patrimoine artistique. Dans le domaine de la peinture, de la littérature, du chant, de la poésie, de la musique, des chansons populaires, il véhicule l’image d’une tradition française et parisienne, appréciée des publics du monde entier. Son large répertoire est l’Ambassadeur privilégié d’une culture française toujours très demandée hors de nos frontières
Il favorise aussi l’éclosion de nouveaux talents qui présentent leurs œuvres. Il est le conservatoire vivant de la chanson française. Avec en alternance une équipe d’artistes, chanteurs, chanteuses de talent, auteurs-compositeurs aux styles variés, une ambiance authentique où le public chante et participe dans une atmosphère unique montmartroise.
Ici pas de dîner, c'est spectacle et boissons. Mangez un petit bout avant de venir, il y a beaucoup de restaurants aux alentours !
Le contexte du départ : la 2ème moitié du 19e siècle avec le bas et le haut Montmartre
Le bas de Montmartre devint à la fin du 19e siècle "une zone consacrée aux plaisirs. Il abrite dans les années 1880, de nombreux cabarets (Le Chat noir, Le Moulin-Rouge), une population très mêlée et parfois dangereuse (prostituées avec leurs souteneurs, marginaux de toutes sortes).
Le haut de Montmartre (la Butte-Montmartre), au contraire, ressemble jusqu'en 1914 à un village. Renommé pour son air pur, ses moulins et ses logements à bas prix, il attire les artistes, nombreux à venir s'y installer. Leur nombre à partir de 1890 devient considérable.
Origine du Lapin Agile
C'est en 1795 qu'est construit le bâtiment qui abritera aux alentours de 1860, une auberge de rouliers baptisée Au Rendez-vous des voleurs. Il deviendra plus tard le Lapin Agile et le lieu de rencontre de la bohème artistique du début du 20e siècle.
Établi dans la seconde moitié du 19e siècle, racheté par Aristide Bruant en 1913, il fut l'un des lieux de rencontre privilégiés . De Max Jacob à Pablo Picasso en passant par Roland Dorgelès, Francis Carco, Blaise Cendrars ou Pierre Mac Orlan . Par la suite, dans les années 1940-50, il fut fréquenté notamment par Jean-Roger Caussimon et François Billetdoux. Il est toujours aujourd'hui en activité " vivant et bien vivant".
Du Cabaret des Assassins au Lapin Agile : une succession de propriétaires
L'auberge de 1860 prend le nom de Cabaret des Assassins, à partir de 1869. Sont en effet accrochées au mur des gravures représentant des assassins célèbres, de Ravaillac (assassin du roi Henri IV) à Troppmann (jugé coupable du meurtre de huit membres d’une même famille).
Entre 1879 et 1880, le propriétaire de l'époque demande à André Gill, caricaturiste de métier et familier des lieux, la confection d'une enseigne. Gill peint un lapin vêtu d'une redingote verte et d'une écharpe rouge s'échappant de la casserole qui lui était destinée. Le cabaret devient alors connu sous le nom Au Lapin à Gill, bientôt transformé en Lapin Agile (d'après une des explications de cette origine).
En septembre 1883, le goguettier, poète et chansonnier montmartrois Jules Jouy fonde le banquet-goguette La Soupe et le Bœuf. Leur lieu de rendez-vous est fixé au Cabaret des Assassins.
En 1886, le cabaret est racheté par une ancienne danseuse de cancan Adèle Decerf (surnommée " la mère Adèle"). Elle se débarrasse de ses clients douteux et en fait un café-restaurant-concert baptisé À ma campagne. Pendant la journée, il est fréquenté par les habitués du cabaret su Chat Noir. Charles Cros, Alphonse Allais, Jehan Rictus, etc mais aussi le chansonnier Aristide Bruant qui y amène Toulouse-Lautrec et Courteline. Des concerts d'amateurs ont lieu le samedi soir et le dimanche matin.
Au début du 20e siècle, "la mère Adèle" revend le cabaret à Berthe Sébource, qui s'y installe en compagnie de sa fille, Marguerite Luc surnommée "Margot", et future épouse de Pierre Mac Orlan. Elles sont rejointes en 1903 par Frédéric Gérard (1860-1938), dit " le père Frédé", grâce à qui le Lapin Agile va devenir un lieu incontournable de la bohème artistique.
Le Lapin Agile à l'époque de Frédéric Gérard
Frédéric Gérard est né au sud de Paris, à Athis-Mons, Seine-et-Oise le 24 décembre 1860. Il avait longtemps arpenté les rues montmartroises, en compagnie de son âne ("Lolo") en qualité de vendeur de produits des quatre saisons, avant de devenir propriétaire d'un cabaret, Le Zut, situé rue Norvins ou rue Ravignan (selon les sources). Cet établissement fut fermé suite à une bagarre mémorable qui dura toute une nuit.
Lorsqu'il emménage au Lapin Agile, il garde avec lui son singe, son chien, son corbeau, ses souris blanches, ainsi que son âne, avec lequel il vend alors du poisson dans les rues de Montmartre, afin de compléter ses revenus. En tant que cabaretier, "Frédé" chantait des romances sentimentales ou des chansons réalistes en s'accompagnant au violoncelle ou à la guitare. Par ailleurs, il n'hésitait pas à offrir des repas et des boissons dans son cabaret aux artistes désargentés, en échange d'une chanson, d'un tableau ou d'un poème. C'est à cette époque qu'est née la spécificité du Lapin Agile.
Aristide Bruant, devenu riche en insultant ses admirateurs, toujours client régulier du Lapin Agile, se lie d'amitié avec le tenancier. Lorsque le bâtiment est promis à la démolition en 1913, il le rachète et laisse "Frédé" en assurer la gérance.
Les artistes et les voyous: les clients du Lapin Agile
Le Lapin Agile, sous l'impulsion de "Frédé", devient rapidement pour la bohème de Montmartre "une véritable institution culturelle"4. Il est fréquenté par Pierre Mac Orlan, qui deux à trois soirs par semaine aime à chanter des chansons de régiment. Roland Dorgelès, qui chante aussi, mais rarement car il chante mal). Max Jacob, André Salmon, Paul Fort, etc. Gaston Couté ne chante jamais mais finissent parfois ivres par dormir sous une table. Apollinaire y lit des poèmes d'Alcools. Picasso peint un portrait de Marguerite Luc (Femme à la corneille, 1904) et également un Arlequin buvant au comptoir du cabaret (Au Lapin Agile : Arlequin au verre, 1905). L'acteur Charles Dullin y fait ses débuts en 1902, avec des récitations hallucinées de poèmes de Baudelaire, Villon, Corbière ou Laforgue. Le tout sous le regard placide d'un énorme Christ en plâtre exécuté par le sculpteur anglais Leon-John Wesley.
Mais des anarchistes du Libertaire, (journal anarchiste) avec lesquels la cohabitation est parfois tendue, et surtout des criminels venus du Bas Montmartre et du quartier de la Goutte d'Or (à l'est de la butte Montmartre).
La tension devint plus vive encore à partir du moment où Frédéric Gérard décida de chasser cette clientèle indésirable. Il voulait "créer une clientèle d'artistes" et "pour la paix de ceux-ci". Certaines nuits, des coups de revolver furent tirés de l'extérieur à travers les carreaux du cabaret. La violence devait atteindre son paroxysme en 1910, lorsque l'un des fils de Frédéric Gérard, Victor ("Totor"), fut abattu d'une balle dans la tête derrière le bar.
Une "fumisterie" fameuse : Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique
La période troublée à cause des voyous dura deux ou trois ans . Mais d'autres tensions, bien moins violentes, existaient au sein de la clientèle fréquentant l'établissement, entre les artistes d'avant-garde, désignés sous l'appellation méprisante de “bande à Picasso” (et peu appréciés du patron du Lapin Agile) et les traditionalistes réunis autour de Dorgelès.
En 1910, Dorgelès met au point un canular resté fameux. Avec ses amis, il présente au Salon des indépendants un tableau intitulé Et le soleil s'endormit sur l'Adriatique, peint par un artiste italien jusque-là inconnu, Joachim-Raphaël Boronali, par ailleurs supposé théoricien d'un nouveau mouvement artistique ("l'excessivisme"). En réalité, le Manifeste de l'excessivisme a été rédigé par Dorgelès, et le tableau peint par "Lolo", l'âne de Frédéric Gérard. On lui avait attaché un pinceau à la queue. Le nom du peintre fictif, Boronali, n'est autre que l'anagramme d'"Aliboron", surnom de l'âne "Lolo".
La supercherie eut un succès énorme : le tableau fit "l'objet de commentaires peu différents de ceux qui accueillirent d'autres œuvres modernistes, et fut vendu un bon prix".
Ce canular de Dorgelès et ses amis appartient à une tradition typiquement montmartroise : la fumisterie, qui consistait en l'élaboration "de farces complexes, rehaussées par un surprenant déploiement de fantaisie et de jeux de mots éblouissants", pratique qui fait le lien entre les humoristes des cabarets d'aujourd'hui et l'avant-garde des années 1900. L'œuvre d'Alphonse Allais en fournit un parfait exemple.
La fin d'un monde: la grande guerre de 1914-18
Cette époque insouciante s'achève le 1er août 1914, avec la proclamation de la mobilisation générale contre l'Allemagne. "Brusquement, tout parut emporté, balayé", rapporte Francis Carco. La clientèle se fait rare au Lapin Agile, la plupart des habitués étant partis pour le front, dont beaucoup ne devaient pas revenir.
Au Lapin Agile après la Grande Guerre
Le Lapin Agile ne retrouvera plus son statut de lieu de rencontre des écrivains et des artistes de l'avant-garde. Le centre de gravité de la création s'est déplacé à Montparnasse. Cependant, les peintres conservent l'habitude, chaque année le jour de l'inauguration du Salon d'Automne, de finir la soirée au Lapin Agile.
En 1922, Aristide Bruant revend le cabaret à "Paulo", le fils de Frédéric Gérard à qui il a enseigné le chant. Celui-ci deviendra d'ailleurs, au témoignage d'André Salmon, le "meilleur interprète" des chansons de son professeur. Sous sa direction, les "veillées", autrefois informelles et plus ou moins improvisées, sont maintenant organisées. Les artistes sont choisis par le nouveau patron… et payés. Certains d'entre eux sont même accueillis comme "pensionnaires" du cabaret
Le Lapin Agile s'enorgueillit également d'avoir eu comme clients Pierre Brasseur, Georges Simenon, ainsi que des célébrités américaines de passage à Paris, telles que Rudolph Valentino, Vivien Leigh, ou encore Charlie Chaplin.
De la Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme il se déplaça 30 ans plus tôt, le lieu privilégié de rencontre des artistes migra de Montparnasse à Saint-Germain-des-Prés. Cependant, le Lapin Agile redevient après 1945 un lieu de rencontre et un tremplin pour les artistes. C'est là qu'en 1950 le guitariste Alexandre Lagoya fait la connaissance de Léo Ferré, et qu'en 1955 Claude Nougaro fait ses premières apparitions sur scène, en tant que poète d'abord, puis comme chanteur.
En 1972, Paulo Gérard cède la gestion du cabaret à son beau-fils Yves Mathieu, qui en est toujours le propriétaire. Des "veillées" y sont encore organisées, au cours desquelles se produisent chanteurs et humoristes.
Le Lapin Agile dans les œuvres de fiction
Le Lapin Agile a été de nombreuses fois utilisé dans des pièces de théâtre:
Le Lapin Agile dans la peinture
Vu le nombres d'artistes qui ont fréquentés le Lapin Agile, il ne pouvait pas avoir été oublié de leurs oeuvres:
- Pierre Prins (1838-1913), Le Cabaret du Lapin Agile à Montmartre, Paris, musée Carnavalet
- Pablo Picasso (1881-1973), Au Lapin Agile ou L'Arlequin au verre, 1905, New York, Metropolitan Museum of Art.
- Élisée Maclet (1881-1962) :
- Le Lapin Agile, huile sur toile, localisation inconnue;
- Le Lapin Agile sous la neige, huile sur toile, localisation inconnue.
- Maurice Utrillo (1883-1955), Lapin Agile, rue des Saules sous la neige, huile et gouache sur carton, localisation inconnue.
- Roman Greco (1904-1955), Le Lapin Agile, six huiles sur toile, localisation inconnue
- Gen Paul (1895-1975) :
- Au Lapin Agile, aquatinte, localisation inconnue
- Le Lapin Agile, pastel, localisation inconnue
- Le Lapin Agile sous la neige, gouache sur papier, localisation inconnue.
- Roland Dubuc (1924-1998), Le Lapin Agile sous la neige, huile sur toile, localisation inconnue
- Raphaël Toussaint (né en 1937), Le Lapin Agile, 1987, localisation inconnue.
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