Colonne Vendôme, un tonneau réalisé avec des canons prussiens

La colonne Vendôme, n'est pas seulement un mémorial à la victoire de Napoléon en 1806 à Austerlitz !

La "colonne Vendôme" située au centre de la place du même nom

Elle se trouve au centre, dans le 1er arrondissement de Paris. Elle a été érigée sur ordre de Napoléon 1er, de 1806 à 1810 pour commémorer la bataille d'Austerlitz, puis détruite pendant la Commune de Paris en 1871 avant d'être reconstruite telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Toute une histoire ! Au fil des ans, elle a été baptisée Colonne d'Austerlitz, puis Colonne de la Victoire avant de devenir une colonne de la Grande Armée. Aujourd'hui, elle est communément appelée Colonne Vendôme.

L'idée de la colonne de la Place Vendôme

A cet emplacement se trouvait la statue de Louis XIV, détruite en 1792 (Révolution).
La colonne dédiée à la Gloire du peuple français deviendra rapidement la gloire de Napoléon 1er. Mais la construction est lente, le chantier s'étalant entre 1805 et 1810. La colonne est baptisée colonne de la Grande Armée. Mais une statue de Napoléon en César par le sculpteur Antoine-Denis Chaudet (1763-1810) fut placée au sommet.

Construction de la colonne

La base de la colonne Vendôme est réalisée en granit porphyrique de Corse (Algajola). L'inscription dédicatoire, écrite à l'antique, est la suivante :

qui peut se lire : "Napoléon Empereur Auguste a consacré à la gloire de la Grande Armée cette colonne formée du bronze conquis sur l'ennemi pendant la guerre d'Allemagne, gagnée sous son commandement en 1805 dans l'espace de trois mois".

Son fût, composé de 98 tambours (anneaux) de pierre, est recouvert d'un parement de bronze coulé de 1200 canons pris aux armées russes et autrichiennes. Ce nombre est probablement exagéré par la propagande, les historiens comptent environ 130 canons pris à Austerlitz. La colonne est décorée, à la manière antique, de bas-reliefs représentant des trophées et des scènes de bataille. S'enroulant en une spirale continue jusqu'au sommet, cette décoration de 280 m de long est composée de 425 plaques de bronze.  Dominique Vivant Denon(1) (graveur et directeur des musées) a distribué les bas-reliefs à une trentaine de sculpteurs expérimentés et à des jeunes.

(1) Dominique Vivant Denon
En tant que directeur général des musées, il est particulièrement connu pour l'organisation du musée du Louvre. A ce titre, il est considéré aujourd'hui comme un grand précurseur de la muséologie, de l'histoire de l'art et de l'égyptologie.

Un escalier intérieur mène à une plate-forme située sous la statue au sommet. La statue visible aujourd'hui date du Second Empire (1863). Elle est due au sculpteur Auguste Dumont et représente Napoléon 1er, en César imperator, drapé dans un manteau court et portant comme attributs de sa gloire, l'épée, la victoire ailée, et la couronne impériale de lauriers.

L'histoire de la statue au sommet de la colonne Vendôme

Au printemps 1814, pendant l'occupation de Paris par les troupes alliées (contre Napoléon), la statue est enlevée et remplacée par un drapeau blanc décoré de fleurs de la Restauration.

Selon un contemporain, cette statue de Napoléon aurait été fondue pour réaliser la statue équestre de Louis XIV (actuellement place des Victoires) de 1822. Cependant, selon le musée d'Orsay, le métal a été utilisé pour couler la statue équestre d'Henri IV de 1818 sur le Pont Neuf.

Sous la Monarchie de Juillet (roi Louis Philippe), une nouvelle statue de l'Empereur, sous le nom du "petit caporal" (avant qu'il ne soit Empereur) par Charles Emile Seurre, (aujourd'hui aux Invalides), est placée au sommet de la colonne le 28 juillet 1833.

Napoléon III, considérant que cette précieuse statue était en danger au sommet de la colonne Vendôme, la fait enlever et remplacer en 1863 par une copie de la première statue de Napoléon 1er comme Empereur romain du Chaudet, réalisée par le sculpteur Auguste Dumont.

L'inauguration a lieu le 4 novembre 1863. C'est cette statue, restaurée et inaugurée le 28 décembre 1875 (après le passage destructeur de la Commune), que l'on peut voir aujourd'hui. Cependant, alors que le sculpteur Chaudet avait représenté l'Empereur tenant dans sa main gauche le globe de la victoire et son épée dans sa main droite, Dumont montre Napoléon tenant son épée dans sa main gauche et le globe de la victoire de l'ancienne statue de Chaudet dans sa main droite.

Les conséquences de la Commune de Paris dans l'histoire de la Colonne Vendôme

Après la chute de Napoléon III (1870) et la proclamation de la Troisième République, le peintre Gustave Courbet adresse une pétition au gouvernement de la Défense nationale le 14 septembre 1870, demandant "de déboulonner la colonne... et de faire transporter les matériaux à l'Hôtel de la Monnaie". En fait, il avait l'intention de la faire reconstruire aux Invalides.  Lors de l'insurrection de la Commune de Paris, qui dure du 18 mars 1871 à la " Semaine sanglante " du 21 au 28 mai 1871, les motivations se radicalisent :

" La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, une atteinte perpétuelle à l'un des trois grands principes de la République française, la fraternité, décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie. "

La démolition prévue le 5 mai 1871, jour anniversaire de la mort de Napoléon, doit être reportée en raison de la situation militaire dans laquelle se trouve la Commune. La colonne est finalement abattue le 16 mai 1871, non sans difficulté, onze jours avant l'écrasement de la Commune. Les plaques de bronze furent récupérées mais le globe de la victoire originale de 1810 fut perdu.

La reconstruction de la colonne Vendôme et Gustave Courbet

Elle a été commencée en 1873 et achevée en 1875 - aux frais du peintre Gustave Corbet (qu'il n'a jamais payé).

Gustave Courbet est un peintre bien connu pour certaines de ses peintures provocatrices de la société de son temps. Il est notamment l'auteur de "l'origine du monde", un tableau qui est à la fois le symbole de la femme et une leçon d'anatomie féminine. Ce tableau est exposé au Musée d'Orsay.

Mais Courbet est plus ou moins directement impliqué dans le renversement de la colonne Vendôme par la Commune. Classé politiquement à gauche, il est condamné en mai 1873. Il doit payer la reconstruction de la colonne Vendôme détruite par la Commune (323 091,68 francs selon l'estimation). S'ensuit une longue bataille juridique qu'il mène depuis son exil en Suisse pour retarder le procès et espérer une amnistie. En janvier 1877, faisant appel, il ne reconnaîtra que 140.000 francs de frais. En novembre 1877, l'Etat propose d'étaler sa dette sur trente ans, et la dernière lettre connue de Courbet révèle qu'il a refusé de payer la première traite de 15 000 francs.  Il meurt le 31 décembre 1877, d'une maladie du foie que son intempérance a aggravée.

Combien valent aujourd'hui 10 000 francs de 1850 ? D'après nos recherches, il semblerait que 1 franc de l'époque vaille entre 2,5 et 5 € aujourd'hui.

La restauration de la colonne (2014 - 2015)

En 2014-2015, la colonne Vendôme fait l'objet d'une campagne de restauration entièrement financée par l'hôtel Ritz, situé au 15 place Vendôme, à quelques mètres de la colonne. L'objectif de la restauration de conservation était de redonner une lisibilité à la structure en éliminant les incrustations et les poussières et en équilibrant les teintes par un nettoyage sélectif et l'application de patines ponctuelles.