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Summary

Le Chevalier-de-la-Barre a été décapité à l'âge de 21 ans et son corps jeté sur le bûcher. Pourquoi un tel châtiment ? Le Chevalier-de-la-Barre a été condamné à mort par les juges du présidial de la ville d'Abbeville pour n'avoir pas ôté son chapeau ni s'être agenouillé au passage d'une procession, pour avoir chanté les chansons du corps de garde et pour avoir détenu le Dictionnaire philosophique de Voltaire. C'était le 1er juillet 1766.

Aujourd'hui, le nom, le monument abbevillois et la statue parisienne de cette "victime de l'intolérance religieuse" restent des points de ralliement pour les militants de la libre-pensée. Des associations portent le nom du Chevalier de La Barre : à Paris et à Abbeville.

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Statue du Chevalier-de-la-Barre
Square Nadar
Rue Saint-Eleuthère
Paris, 75018, France

  • Le Square Nadar est sur la Butte Montmartre, pratiquement à la sortie de la gare haute du funiculaire, à l'ouest du Parvis du Sacre-Coeur
Address

Statue du Chevalier-de-la-Barre
Square Nadar
Rue Saint-Eleuthère
Paris, 75018, France

Coordinates Latitude Longitude
Sexagesimal (°, ', ") 48° 53′ 09″″ N 2° 20′ 31″ E
Degré décimal (GPS)  48.88591  2.34184
Full description

Le Chevalier de la Barre est décapité à l’âge de vingt et un ans et son corps jeté au bûcher. Pourquoi une punition aussi sévère ? Le chevalier de La Barre a été condamné à mort par les juges du présidial de la ville d’Abbeville pour ne pas avoir ôté son chapeau ni s’être agenouillé au passage d’une procession, pour avoir chanté des chansons de corps de garde et pour détenir le Dictionnaire philosophique de Voltaire. C'était le le 1er juillet 1766.

Une condamnation pour impiétés et blasphème

C'est la dernière condamnation de ce genre prononcée en France.  D'autant que l'illégalité de la peine qui sera prononcée, le blasphème ne devant plus en France être puni de mort depuis une décision de Louis XIV de 1666. Comment donc, au siècle des Lumières et alors que l’Église elle-même, inquiète des conséquences d’un tel jugement, avait sollicité la clémence royale, une si « effroyable aventure » (Grimm) a-t-elle pu se produire ?

Comment tout cela commence

L'affaire commence par la simple dégradation, dont on ne connaîtra jamais l’auteur, d’un crucifix sur le pont Neuf d’Abbeville. De l’émotion populaire suscitée par cet incident mineur, qui aurait pu se dissiper en quelques jours, naît l’« odieuse affaire » d’Abbeville, favorisée par les effets conjugués du contexte politique général, de la dramatisation de l’acte sacrilège par l’évêque d’Amiens, de rivalités personnelles locales et parisiennes et du zèle de l’assesseur du lieutenant criminel de la ville, Duval de Soicourt, roturier à l’ambition contrariée.

Duval de Soicourt, sans preuves mais avec ténacité, mêlant faits avérés et supposés, fit gonfler l’affaire, et y impliqua la petite bande turbulente des jeunes nobles à laquelle La Barre appartenait. La saisie du Dictionnaire philosophique de Voltaire au domicile du chevalier – au demeurant peu instruit – transforma des irrévérences de jeunesse en une affaire politique, et réduisit à l’impuissance les soutiens de La Barre, orphelin, recueilli par une parente, Anne Marguerite Feydeau, abbesse de l'Abbaye Notre-Dame de Willencourt près d'Abbeville.

L'enchainement des événements

Les soupçons se portent sur quelques membres de la jeunesse aisée de la ville connus pour leurs frasques et leurs provocations. Figurent parmi ceux-ci le chevalier de La Barre. Les notables abbevillois s'empressent de mettre leurs fils à l'abri, et même l'un d'eux, Gaillard d'Etallonde, se réfugie en Prusse. Il ne reste plus à Abbeville que La Barre, sans grand appui familial, et Moisnel, âgé de quinze ans.

L’enquête policière et judiciaire est menée par M. Duval de Soicourt, lieutenant de police et maire d’Abbeville.  Les témoignages portent le plus souvent sur d'autres faits – par exemple, une attitude irrespectueuse au passage d'une procession – que sur les faits concernant directement l'accusation ; ils sont néanmoins considérés comme ayant valeur de preuve. La mutilation du crucifix, cependant, n'a eu aucun témoin oculaire.

La Barre est arrêté le 1er octobre 1765 à l'abbaye de Longvillers. La Barre, pour sa part, nie les faits qui lui sont reprochés. On trouve chez lui un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire et trois livres licencieux, ce qui aggrave les soupçons aux yeux de l'accusation.

Procès et condamnation du Chevalier de la Barre

Le 28 février 1766, le chevalier de La Barre est condamné par le présidial d'Abbeville pour «impiétéblasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables » à faire amende honorable, à avoir la langue tranchée, à être décapité et brûlé. Gaillard d'Etallonde est jugé par contumace et condamné à la même peine, et à avoir en outre le poing tranché. Il est décidé que La Barre sera soumis à la question ordinaire et à la question extraordinaire avant son exécution.

Pour être exécutoire, le verdict des juges d'Abbeville doit être confirmé par le Parlement de Paris. Le chevalier est transféré à la prison de la Conciergerie et comparaît devant la Grand-Chambre du Parlement de Paris. Il n'est pas assisté par un avocat. Sur vingt-cinq magistrats, quinze confirment le jugement d'Abbeville, le 4 juin 1766. Du fait de son jeune âge, Moisnel n'est condamné qu'à l'amende ordinaire.

Plusieurs personnalités interviennent auprès de Louis XV pour obtenir la grâce du condamné. Mais Louis XV refuse d'user de son droit de grâce. Celui-ci aurait été guidé par le raisonnement suivant : quelques années auparavant (janvier 1757) lle Parlement avait condamné Damiens qui avait tenté d'assassiner le Roi pour crime de lèse-majesté. Ce procès avait été tenu contre la volonté de Louis XV, ce qui lui avait été ensuite reproché.

L'Execution du Chevalier de la Barre

Le chevalier de La Barre est supplicié à Abbeville, le 1er juillet 1766. Il est soumis le matin à la question ordinaire, et subit les brodequins. Le jeune homme perd connaissance, on le ranime, et il déclare ne pas avoir de complice. Le courage du condamné est tel qu'on renonce à lui arracher la langue. Le bourreau le décapite d'un coup de sabre. Son corps est ensuite jeté au bûcher, ainsi qu'un exemplaire du Dictionnaire philosophique de Voltaire qui lui a été cloué sur le torse15. Il était âgé de vingt ans16. Le trouble suscité par cette exécution est tel qu'on renonce à poursuivre les autres accusés.

Réhabilitation du Chevalier de la Barre

La Barre, présenté comme un déicide, ne sera réhabilité que pendant la Révolution en 1793, après la chute de la monarchie de droit divin et la disparition du crime d’hérésie. Considéré comme une victime de l’obscurantisme et de l’arbitraire, le chevalier de La Barre deviendra un siècle plus tard un symbole de la lutte pour la laïcité.

Pourquoi une rue et la statue du Chevalier de la Barre à Montmartre ?

La rue Chevalier-de-la-Barre commence au 9, rue Ramey et finit au 8, rue du Mont-Cenis. En fait, c'est aussi en partie un escalier.

Ce nom fut choisi par les anticléricaux de la Troisième République alors que le Sacré-Cœur était en cours de construction et malgré l'intervention de l'Église, en la personne de l’évêque d’Amiens.  La « rue de La Barre » fut officialisé un 1ère fois par l’arrêté du 10 novembre 1885, appellation rectifiée en « rue du Chevalier-de-La-Barre » par l’arrêté du 24 juin 1907.

Durant la Commune de Paris, des exécutions ont eu lieu dans la portion de la voie que l’on appelait encore « rue des Rosiers ». Dans les Crimes de la Commune sont représentés notamment la fusillade du 18 mars 1871, des généraux Claude Lecomte et Clément-Thomas, qui étaient du côté des Versaillais, C'était à hauteur du no 36. Peu après, le 28 mai 1871, c’est le communard Eugène Varlin qui est fusillé au même endroit.

A noter dans cette rue le carmel de Montmartre (n°34), la cité du Sacré-Cœur.(n°40) et son chemin d'étoiles placé dans le sol, reproduisant les constellations. Constitué de petites lampes, il s'allume au crépuscule. Au n°61, dans le film de 1965, Mata Hari, agent H 21Claude Rich est arrêté sur une terrasse de café, aujourd'hui Au Petit Creux.

La statue du Chevalier de la Barre est située à 50 m du Parvis du Sacré-Coeur, dans le Square Nadar, entre les rues Azaïs et Saint Eleuthère.

À Paris, en 1897, des francs-maçons du Grand Orient de France obtiennent l'autorisation de l’élévation d’une statue du Chevalier de La Barre devant la basilique du Sacré-Cœur, à Montmartre. Elle est déplacée en 1926 dans le square Nadar. Elle est déboulonnée le 11 octobre 1941 sous le régime de Vichy. Le 24 février 2001, le Conseil municipal de Paris décide d'ériger une nouvelle Statue du chevalier de La Barre, square Nadar. Elle est l’œuvre du sculpteur Emmanuel Ball et du fondeur Michel Jacucha. Sur le Cartel, il est fait mention de la liberté de pensée du jeune noble contre l’intolérance religieuse incarnée par l’ordre des capucins, ordre qui préconise la pauvreté réelle, à la fraternité avec les pauvres.

Aujourd’hui, le nom, le monument abbevillois et la statue parisienne de cette « victime de l’intolérance religieuse » demeurent des points de ralliement pour les militants libre-penseur. Des associations existent portant le nom du chevalier de La Barre : à Paris et à Abbeville.

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